Ses Préludes résonnent, se déploient lentement sans pour autant jouer d'irisations immenses. Mais, c'est une autre piste qu'explore le pianiste, plutôt qu'une solution, raisonnable. Sur un tempo assez lent, il pratique un éclatement de la partition. Les accords sont si détachés les uns des autres que les doigts sur les touches semblent le jeu du hasard. Comme on tapote un piano au couvercle ouvert, machinalement. Passé cette première impression, déroutante, l'option devient révélatrice du processus de composition : puisqu'il y a une suite de notes harmoniques derrière une note fondamentale, Debussy a écrit la suite d'images qui lui semblait être attachée à ses notes : les Préludes sont comme des archipels. Parfois aucun poids sur la touche, parfois un contraste dynamique qui donne une impression de vitesse : Jean-Louis Haguenauer se situe dans le domaine du son pur, mais pas don son traitement conventionnel ("couleurs"). Et si l'allusion picturale est de mise pour Debussy, elle prend ici des allures lunaires.

Christian Leblé

Jean-Louis Haguenauer va plus loin, plus profond que d'autres dans le piano de Debussy.
Il ne demeure pas à la surface des notes afin de mieux faire admirer son "doigt". Les prétextes, pourtant, ne manquent pas dans ce piano, ma foi, fort "acrobatique", d'en rester là où la virtuosité s'achoppe. Plus ambitieux, sans doute. Haguenauer traque la moindre aventure, le plus singulier évènement pour nous en faire partager la surprise, l'émoi.
De ce fait, le Debussy d'Haguenauer nous est moins familier qu'on pourrait le supposer : il y a, comme dans un tableau d'Edward Hopper, ce qui se passe bien sûr, dans la seconde même et qui nous est montré, mais il y a, surtout, ce qui va se passer après et que rien n'indique. Comme chez le peintre américain, il y a dans cette interprétation le visible et l'invisible et c'est cette "chasse" à laquelle nous participons qui nous rend cette lecture si chère...

Paul Meunier

Haguenauer possède une qualité essentielle et immédiatement frappante : celle de faire sonner la musique du compositeur comme l'envers du silence.
Tout dans ce jeu passe par le contrôle poétique et lucide du clavier qui n'est pas sans évoquer Michelangeli.

Renaud Machart

Par leur épaisseur sonore, leur recherche expressive et leur fréquente gravité, ses Préludes, qui portent en eux quelque chose de lourd, de puissant et d'inquiet, sont la confirmation de ce qu'il faudra compter avec son intégrale.
Aux divagations géniales de Sanson François, à la sophistication de Michelangeli, au dépouillement de Ciccolini, au raffinement de Crossley, Jean-Louis Haguenauer oppose un dramatisme profond et contenu qui le rapproche de ce que faisait Arrau en ses termes. Surtout son goût pour les teintes sombres et les tempos retenus, ses efforts pour dissimuler le travail des doigts nous reposent du noir et blanc de pianistes plus fêtés ici.
L'équilibre entre d'une part l'extrême fidélité textuelle et d'autre prt l'empreinte personnelle dont Jean-Louis Haguenauer marque ces Préludes est exemplaire...

Étienne Moreau